Insolites
Départ : Melle (chez Jean-Jacques)
Arrivée : Etrochon (chez Didier & Sylvaine)
Distance parcourue : entre 0,7 et 9,7 km
Podomètre : hm... 1 727 pas (oui c'est moins que quand je vais chercher mon pain... et pourtant !)
Cumul : 303 614 pas / 263,7 km
Météo : Soleil puis Pluie
Distance parcourue : entre 0,7 et 9,7 km
Podomètre : hm... 1 727 pas (oui c'est moins que quand je vais chercher mon pain... et pourtant !)
Rushes : 90,9 Go
En face de chez Jean-Jacques, c'est une école.
Au numéro 7. L'article d'hier ne veut décidément pas se détacher de moi. Comme
un signe que cette journée ne nous fera pas avancer de la même manière que les
précédentes. Jean-Jacques non plus ne se détachera pas de nous à notre départ.
C'est assez beau de voir cet homme pudique être touché par notre duo, presque mine
de rien... Nous descendons donc ensemble la Grand Rue, jusqu'à l'une des trois
Eglises de Melle, et pas des moindre : la belle et symbolique Eglise Saint
Hilaire. Et nous n'y sommes pas encore entrés que nous rejoint Didier, le
photographe que nous avons rencontré hier soir, et qui a comme moi passé la
nuit à poster un article sur nous et à chercher un itinéraire qui nous sera
adapté !
Si Alain a jusqu'ici été fasciné par la quasi
totalité des lieux traversés, je sens pour ma part que c'est ici que je tombe
amoureuse. 3500 habitants, 5000 si l'on inclus les proches villages de Saint
Martin et de Saint Roman. Et un tel dynamisme pourtant, une vie associative jeune
et développée, des iniatives originales, créatives, bienveillantes. L'état
d'esprit de chacun semble constructif, investi, nourrissant. Quelle douce
puissance.
A l'image de Melle, Saint Hilaire porte aussi
bien l'héritage des siècles que la richesse des époques qui se sont succédées
dans ses murs, jusqu'à l'ajout contemporain d'une touche d'art moderne. Et ça
lui va bien. Notre époque avait également sa marque à fournir, s'intégrant dans
la tradition de perpétuer l'appropriation par chaque époque d'un édifice
symboliquement trop souvent figé dans un âge avec lequel nous n'avons plus de
lien.
Jean-Paul, notre barbe historienne, nous
indique d'ailleurs quelques pierres qui sont de la "récupération"
d'édifices romains. Lorsqu'une pierre ne servait plus à un monument, il
n'existe pas meilleur recyclage que de s'en servir pour un autre. D'où la
richesse finale du bâtiment. Dans les pierres, Alain cherche aussi les animaux
et symboles alchimistes. "C'est une salamandre, non ? Ou un dragon, avec
les ailes, là ?". Difficile de trouver toutes les réponses, mais on cherche
de jolies pistes. Nous apprenons notamment que les Modillons, ces sculptures
sur les parties hautes des églises, étaient souvent exemptées de contraintes de
la part des commanditaires des édifices, et donc laissés à la "liberté
d'expression" des artistes et artisans. C'est donc dans ces parties que se
cachent divers symboles traversants les siècles, par exemple, tiens, encore
eux, ceux des Alchimistes.
Nous apprenons encore quantité d'informations
précieuses sur les églises en particulier, et celle-ci en général. Euh, bref, vous
m'aurez comprise.
Il a été bien souvent remarqué que les églises
ne sont jamais orientées selon la route ou selon un impératif "pratique"
qui aurait été suggéré par les urbanistes médiévaux, mais bien souvent selon
des lignes d'énergies véhiculées par des cours d'eau souterrains. L'entrée dans
une église est ainsi tel le chemin de la vie, dont le but est l'autel, la fin
l'accès au divin. C'est pour cela qu'existe toujours une entrée latérale dans
les églises : le initiés, déjà sensibilisés à la religion, n'ont ainsi
"pas besoin" de refaire "tout le trajet". Cette découverte
totale est laissée aux novices, qui ont toute la démarche à faire, tout le
chemin à parcourir.
Le point de centralisation des énergies est
l'endroit où il est prévu que le prêtre se place. Il est ainsi pleinement dans
son rôle de lien entre les énergies terrestres et célestes, étendant les bras
pour permettre à ces énergies de circuler par lui.
C'est d'ailleurs le seul bémol du nouvel Autel
en albâtre, car le baptistère étant incrusté dans le socle plutôt qu'à hauteur d'homme
ou femme, le siphon emporterait avec lui ces énergies. Cette construction récente
a été l'occasion de rénover tout le choeur, et de découvrir ainsi aux pieds des
colonnes des vestiges du XIè siècle, confirmant non seulement l'âge de
l'édifice qui était pressenti par les spécialistes, et révélant l'origine de
ceux passés sur le chantier à l'époque. Et, hasard ou coïncidence, auxquels
personne ici ne croit plus de toute manière, il a été découvert qu'un sachet de
pièces apporté par un généreux donateur puis enfoui ici des siècles durant, contenait
des monnaies frappées de chaque étapes de son périple : Orléans, Tours,
Poitiers et de nombreux villages dont nous avons découvert l'existence
uniquement en parcourant le chemin ! Improbable d'y passer si cette route
n'était pas déjà symboliquement marquée à l'époque. C'est autant d'eau apportée
au Moulin des recherches jacquairistement historiques de Jean-Paul.
Dernière particularité que je ne peux
m'empêcher de vous partager, vous pourrez observer sur les photos que l'église
est comme construite dans une cuvette, les escaliers y menant étant uniquement
descendants. Même les vitraux contiennent des marches. Comme si "la main
de Dieu avait posé l'église ici, et pour bien la fixer, il a appuyé un peu.
Elle s'est donc enfoncée." Et pour remonter à Dieu, l'Autel choisi
comporte ces couches saccadées qui permettent de s'élever vers Lui à leur
ascension.
Je goûte à l'honneur de gravir ces délicats
paliers afin d'aller faire tamponner notre Crédentiale par l'adorable
Christiane, voisine devenue gardienne des lieux. Elle nous confie que c'est au
fil des passages de visiteurs qu'elle a appris à connaître l'église, chacun
posant des questions sur des aspects auxquels le précédent n'avait pas
spécialement pensé en ces termes.
Lorsque l'on sort enfin de l'église, nous
faisons la connaissance de ce qui semble à première vue être un cycliste. Nous
découvrons vite que c'est en réalité bien au-delà d'un pédaleur de passage.
Sébastien a entendu parler de nous grâce à l'article
de cette nuit de Didier, qui le suit également pour soutenir les projets fous
de ce sportif engagé et acharné. Son prochain défi est de parcourir 650 km en
30h (non il n'y a pas de zéro mal placé), et ce afin de récolter des fonds pour
une famille dans laquelle 4 des 6 membres sont touchées de handicap, dont
l'autisme et la maladie de Charcot Marie Tooth. Le projet est merveilleux et
prend aux tripes. Comment ne pas contribuer à les aider à l'urgence qui a
percuté Seb, à savoir se battre pour rendre viable la maison de cette famille ?
Nous parlons mise en place de projet, caméras adaptées, préparation physique.
Je transmets mon regard sur la manière dont j'ai senti tout mon être se
mobiliser pour le projet d'Alain, et Seb nous donne de précieux conseils pour
palier aux aléas mécaniques, aux crevaisons, aux soucis d'assise qui sont en
effet communs à nos deux cyclistes, l'un en vélo, l'autre en fauteuil. Cette
même évidence, ce même investissement complet à une cause qui nous transcende.
Nous nous aidons à prendre conscience chacun de notre valeur et de notre place,
notamment en tant "qu'équipe d'accompagnement" de ces projets
auxquels on ne peut que livrer pleinement contribuer, mais qui aussi
n'existeraient pas de a même manière sans cet investissement. Contribuer à leur
portée, se mettre au service de ce en quoi nous croyons, faire de notre mieux
et le faire donc pleinement, optimiser nos compétences dans cette direction et
en faire le don complet, voici la flamme qui brûle dans nos âmes. Le tout avec sa vie à soi, ses blessures, ses richesses. Comme un tout, vertigineux et nécessaire. C'est fort et
précieux d'avoir la chance de connaître Sébastien.
C'est plus qu'un coup de coeur, c'est une
fusion de valeurs et d'énergies qui nous bouleverse tous profondément. Pour ne
rien arranger, nous découvrons que nous avons en commun quelqu'un de solaire.
J'évoque la Cité du Cinéma où je travaille à Saint Denis, et il se trouve que
le plus humain et bienveillant de mes collègues n'est autre que le frère de
Sébastien ! Improbable vous dites ? Je ne trouve pas beaucoup d'autres mots. Ce
lien mêlé à tout ce que nous partageons déjà me donne l'impression d'avoir
retrouvé un tonton. Un membre de la famille que je connaissais pas il y a une
heure. Je crois que je n'en suis pas encore complètement remise. Si tant est
que je n'ai même seulement commencé à m'en remettre d'ailleurs.
Je ne sais pas si c'est l'émotion ou la vitesse
qui rend les photos un peu floues, mais quelle sensation unique de suivre, ou
du moins précéder à l'envers (?), installée dans le coffre de la voiture de
Didier, le cortège qui vient de se former : Seb propose de tracter Alain sur la
route d'aujourd'hui. Ou plutôt, sur les côtes d'aujourd'hui, car je ne crois
pas avoir repéré de tronçon plat. "ça me fait un entrainement aussi."
nous dit Sébastient. Un entrainement chargé en émotion et en partage. Pour
Alain, l'expérience est également percutante. "Je devais rester hyper
concentré, je n'ai rien vu du trajet, des villages traversés, du paysage.
Normalement je me laisse guider par Alice, je papillonne, je regarde partout
autours de moi, j'adapte mon rythme à ce que je vois. Là je laissais mes yeux
sur la sangle, pour qu'elle reste bien tendue, je vérifiais si le rythme était
le bon pour le fauteuil, pour ne pas me déséquilibrer et l'emporter avec moi.
Avec le projet de dingue qu'il doit faire bientôt, je ne pouvais pas me
permettre qu'il se casse le poignet à cause de moi." Une concentration
dense qui fatigue autrement. Pour Seb, c'est différent aussi de tracter Alain
qui accompagne le mouvement plutôt qu'un poids éventuellement moindre mais
statique. Un moment de partage incroyable, bouleversant, dévastant. Je ne sais
qui de mon coeur ou de mon ventre a lancé l'idée d'échanger les meubles de
place à l'intérieur de moi, mais l'impact émotionnel est incroyablement fort.
Je suis incapable de le décrire et peut-être même de le comprendre encore.
J'espère que les photos aideront un peu, je suis si pressée que vous puissiez
découvrir les vidéos, de vous raconter ça encore des heures...
Insolites configurations, insolites reporters.
Entre Didier qui conduit en continuant de prendre des photos et les trouvailles
que les éléments en présence me permettent (filmer à la GoPro à l'envers et
vérifier le cadre dans le rétroviseur, puis se mettre en tête de méta-capter le
tout... Ben oui, pourquoi faire simple ?), ça vaut bien le point de vue du haut
du casque qui donne à notre star de faux airs de Télétubbies. Et je l'espère
sera une archive relativement unique à conserver et à transmettre.
Nous faisons halte à Saint Roman lès Melle. A
l'église, modeste mais pourtant majestueuse, et dont les poutres rappellent
presque celles des granges de campagne. Là aussi, les points d'énergie ont leur
histoire, et l'inversion du point neutre (où l'on place par exemple le corps
des défunts) et de celui du prêtre dont on parlait tout à l'heure, chargé de
vie, donne au lieu une atmosphère particulière. Croyants ou non, il y a bien...
quelque chose... lorsque l'on pénètre une église. Pour ma vision d'athée, ces
histoires d'énergies m'interpellent plus que le paramètre divin, mais nous
prenons conscience sur ce trajet que ces mêmes idées transcendantes portent
simplement des appellations différentes.
Nous passons aussi chez Seb, où Alain découvre
avec émerveillement la salle d'entrainement de ce grand sportif. Les yeux
d'Alain retrouvent un éclat...insolite, indescriptible encore, c'est comme si
son sourire était trop puissant pour s'effacer, sa peau trop tendue de joie pour
être contrôlée. Il y a des étoiles et des feux d'artifices, un mouvement
interne que l'on ne peut que sentir nous percuter. Ce n'est pas la première
fois qu'Alain me dit qu'il a envie de refaire des pompes, mais sait bien que
ses bras travaillent déjà suffisamment. Il ne faut cependant pas longtemps pour
qu'il ne résiste plus à se mettre debout et à étrenner la barre de traction.
Vous auriez vu ce sourire. Et dire qu'hier encore je parlais du père Noël...
Le sport de Didier, c'est plutôt la musique.
Même avec un cintre il joue du triangle. Sur toute surface il pianote, tapote,
bat les mesures que lui dicte son rythme. Et nous invite à manger, tous, et
même un peu plus que tous... Eh oui, c'est bien Laurik qui a rejoint notre
route et qui est déjà avec notre hôte Sylvaine lorsque nous arrivons. Improbable, la
vie.
Insolite aussi le repas cubain sur fond de
musique cubaine, ces échanges sur les énergies, sur l'Un, sur le tout, sur le
creuset, la Lumière. Et l'on revient sur la danse comme la musique, ces arts
organiques qu'il nous faut sentir mieux qu'apprendre, reproduire avec le coeur,
que l'on laisse nous traverser et que l'on accorde à l'énergie du groupe qui
nous entoure et nous porte. On sort Congas & Djembé, je retrouve de
lointaines bases de percutions, Alain en est possédé, Didier nous transmet ses
incroyables et précieux savoirs-faire. Combien de vies a eu cet homme ? Combien
de générosité a imbibé ce lieu pour que nous nous y sentions aussi à l'aise ?
Nous sommes chez nous, Laurik y imagine même ses parents. En prendre conscience
est presque troublant car quelque chose en moi ne veut pas paraître impolie à
se sentir trop naturellement "chez soi". Mais ce n'est à aucun moment
ce qui se dégage de l'atmosphère, l'osmose y est...insolite.
Il est presque 18h lorsque je remarque que
malgré l'aide de Jean-Jacques, qui a passé la journée à chercher des contacts
pour que nous logions ce soir, nous n'avons aucune réponse positive. "Vous
pensez vraiment qu'on va vous laisser dans la nature ?". L'envie de ne pas
déranger nous traverse, mais comment résister à celle de profiter de ce
bien-être. Etrange impression de ne pas avoir débuté notre journée de "marche",
et l'évidence à la fois d'avoir à être là où nous sommes, et d'y être ensemble.
Alors nous dégustons un autre repas grandiose que le gâteau de Léna, la discrète
et lumineuse fille de Didier et Sylvaine clôt merveilleusement.
Leur majestueux chien Gonzo m'offre mon baptême
d'équitation, ne quittant plus l'arc de mes jambes, reculant lorsque je recule,
avançant lorsque je m'y prépare. Une affection animale comme j'ai peu
l'habitude d'en vivre, à l'inverse d'Alain, ce "Douniama / l'ami des
Animaux" qui échange avec tout membre du vivant d'une manière générale.
Pas d'exception faite au bâton de Laurik, dans lequel Alain découvre une tête
de Salamandre, forcément. Insolites noeuds du bois, omnivibration des
alchimistes.
Il est presque 3h lorsque je termine les sauvegardes
des photos, et j'ai beau avoir organiquement envie et besoin de vous partager
toutes ces énergies, je m'en sens absolument incapable. Ce n'est pas que de la
fatigue, c'est un état flottant saturé d'émotions et de vibrations insolites.
Pourtant je vous jure que je n'ai rien fumé ce soir. Des effluves d'une autre nature
ont enveloppé mon esprit et mon âme. Je m'endors pour l'une des premières fois
en même temps qu'Alain, lui sur le canapé qui redevient le lit d'avant sa vie,
moi sur une la liseuse rouge au confort magicien et aux formes... insolitement
chantantes ?
Que de belles personnes vous croisez!!!
RépondreSupprimerEt là, en plus de la musique! Le bonheur est là!
Bravo et merci!
Sophie
Il y a une sensation de flottement, une sensibilité légère dans ces moments. Vous avez l'air d'avoir vécu une journée hors du temps.
RépondreSupprimerEt cette église est absolument esthétisante.
Héhé. Il ne faut pas louper les occasions de bonheurs que la vie nous offre… On se croisera à nouveau c'est certain. Quant à Gonzo, il trouve la maison bien silencieuse…
RépondreSupprimerJ'ai croisé Laurik sur ma route du retour, reconnaissable à son grand bâton et son très grand sourire.
Je vous souhaite à tous les trois des moments difficiles (un tout petit peu) et de beaux moments (beaucoup). Les premiers permettent de mieux apprécier les seconds.
Hey vous savez quoi, j ai lâché mon roman pour vous lire chaque jours, jevis toutes vos émotions, j ai même l intriqué de vos rencontres, merciiiiiii c est un kiff de te lire.. gros bisous
RépondreSupprimerMoments magiques hier. Rencontre faite de musiques, pensées à méditer parsemées (constellées !) de rires, on est partis bien plus loin que les étoiles, c’était chouette ! De belles personnes, toutes les quatre. Merci à vous Alain, Alice, Laurik et Sébastien. Belle route à vous !
RépondreSupprimerDes rencontres comme ça, ça ne se refuse pas. La vie est quelquefois si jolie !
Quelques photos supplémentaires de cette belle escale en Pays mellois.
RépondreSupprimerhttps://flic.kr/s/aHskZrHXgy
Wahoo génial, merci Didier !!!!!
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