Notre Dame de Paris - Saint Jacques de Compostelle : 1925km en fauteuil roulant

dimanche 30 avril 2017

Dimanche 30 Avril 2017 - Jour 14, étape 10

La pluie, ça mouille


Départ : Tours (rue Edouard Vaillant)

Arrivée : Sorigny (chez Annick, la maison du bonheur)

Distance parcourue : 22,4 km

Podomètre : 26 359 pas

Cumul : 222 885 pas / 191,9 km

Météo : Soleil le matin, puis beaucoup, beaucoup, beaucoup de pluie et vent de face (sinon c'est pas marrant).

Rushes :  89,8 Go

 

Sortir de Tours n'est pas la meilleure partie du trajet. Alain est un peu bougon, les trottoirs sont trop étroits et les accès compliqués. Mettre des barrières pour éviter le passage de voitures c'est bien, oublier de laisser assez d'espace pour les fauteuils, ça l'est un peu moins. Heureusement, la pluie annoncée n'est pas encore au rendez-vous et nous traversons la jolie ville de Saint Avertin, toute de côtes constituée, sous les rayons du Soleil.









 
 



Aux premières gouttes, nous nous abritons auprès des caddies d'un supermarché fermé. Pas chichis de par ici. Nous avions fait quelques courses hier pour pouvoir préparer nos sandwichs du dimanche. Et puis pluie ou pas pluie, il faut bien finir par repartir, et d'autres belles côtes nous attendent. Il n'y a pas de trop pour les gravir de la force nos quatre bras, et de mes deux jambes... puis de nos six bras et quatre jambes, car voilà Jean-Paul qui nous rejoint ! "On pensait à vous avec Patricia ce midi, et puis on a eu la même idée... On les rejoint ? On les rejoint !" Alors ils nous ont rejoints.
 

Encore un joli cadeau du parcours. Comme le dit Patricia "on ne sait jamais ce que l'on va trouver sur le chemin. Même nous ce matin encore, on ne savait pas qu'on viendrait !". Cette surprise là a un goût de café chaud et de biscuits bio. Jean-Paul pousse la charrette pour le restant du trajet, et j'essaye de faire quelques images malgré la pluie. Heureusement qu'il y a les GoPro sinon c'était impossible, on aurait perdu la caméra sous un tel déluge. Et vous auriez du venir pour voir ça. On vous épargne pour cette fois.
 

On se permet une petite halte dans une Eglise, une "maison du Seigneur" comme disent les croyants, pour qu'il arrête de nous pleuvoir dessus quelques instants. "Et dire que l'on fait tout ce chemin pour le trouver en soi, le 'Seigneur'...". Eh oui, chacun le sien. Tous le même amour au coeur. Les mêmes pelures à défaire. La même lumière à laisser traverser. "Nous prenons le chemin mais nous sommes la voie." répète Alain. "Il est beau ce chemin. C'est pour l'instant le meilleur médicament que j'ai pu rencontrer."

 
 
 
 
 
 
 


 


Une pause, deux pauses, on pose devant le panneau indiquant le kilométrage restant jusque Saint Jacques : plus que 1447 bornes ! Tranquille ! A ce rythme là, et même si je prends quelques pas de retard à chaque cliché, on va arriver le mois dernier. Nos amis nous confirment que notre rythme est élevé pour des marcheurs. Un pèlerin est souvent autour de 4-5 km/h, et nous sommes plutôt entre 5 et 7, même lorsque je porte mon sac et les caméras. Il est plus facile pour cela de rester proche d'Alain ou de pousser en même temps pour ne pas être trop vite dépassée. Avec tout ça, si on est pas super-musclés d'ici juillet... Ah bon, c'est pas pour ça qu'on le fait ?
 



Côté orientation, bien que nous ayons parfois recours au GPS, il est plus agréable de se repérer sur les cartes et au fil des affichages. Le balisage de la région est réellement à saluer. Merci à Jean-Luc, président de l'Association, et aux membres bénévoles des Amis des Chemins de Compostelle en Touraine, ainsi qu'aux Conseils régional & départemental pour cet immense et délicat travail qui facilite énormément notre route.





 
On ne sent pas tellement les kilomètres défiler, mais sous la pluie quelques fondamentaux s'imposent tout de même à notre esprit. La pluie ça mouille. La chaleur humaine, ça porte infiniment. Et comme le dit Alain, ça roule mieux quand le pneu est gonflé. Tiens, oui. Déjà deux fois que la roue gauche de la charrette crève ces derniers jours, et on la sent encore fragile. Le boulon a sauté et elle menace de prendre son indépendance à chaque accélération. Heureusement Jean-Paul aura la gentillesse de faire l'aller-retour dans la soirée pour nous apporter la pièce et réparer l'attelage ! Est-ce que l'on ne dira jamais assez MERCI à tous nos anges du chemin ?

L'avantage de la pluie, c'est que ça hydrate la Nature. Les inconvénients, c'est à peu près tout le reste. Le vent n'arrange pas notre affaire, il nous restera pleine face durant les 14 derniers kilomètres (c'est un peu long, 14 bornes de pluie, n'hésitez pas à venir tester pour être surs) et glace depuis nos vêtements jusqu'à nos os déjà imbibés. Nous sommes trempés mais tellement heureux. Tels la Barbara de Prévert, ruisselants, ravis, épanouis. Frigorifiés aussi. Mais si j'avais assez de force dans les pieds, j'aurais envie de danser. Pour l'heure, on va déjà penser à avancer, et puis simplement sourire un peu derrière ces lunettes qui ne servent plus tellement à mieux voir. Ni à voir tout court d'ailleurs. Après tout, quelle importance. L'essentiel est invisible pour les yeux, je crois. On ne voit bien qu'avec le coeur. Et c'est Antoine qui le dit. Celui du Prince tout p'tit.
 

















 

Patricia et Jean-Paul nous accompagnent jusque chez Annick, qui nous accueille dans sa maison qui déborde comme elle de vie et de lumière. La pétillante Nanou est partie de Tours ce matin aussi, bien plus tôt que nous et passera la nuit dans la chambre en face de la notre. C'est une merveilleuse rencontre qui nous bouleverse profondément. Nous parlons d'amour et d'évidences, de chemins et de beauté, de familles, de partage, d'amour encore. D'amour toujours. De si belles vagues d'émotions. De si puissants regards, de si mélodieux récits. Tant de nuances jolies, de teintes de la vie. Des vagues d'amour. D'un amour si fort, si transcendant que rien ne l'efface, pas même la mort. Son mari fait ce trajet auprès d'elle, dans son coeur, ses yeux, sa voix, et cette puissance d'amour est aussi indescriptible que belle. Lumineuse. Bouleversante. Comme elle.

Il y a ceux et celles que l'on aime, nombreu(ses)x, différent(e)s, constructrices et constructeurs. Toutes celles et ceux qui font partie de notre route, pour un temps plus ou moins long, et dont la valeur reste intacte à l'heure de cheminer ailleurs. Qui font grandir, devenir, fleurir. Jolis moments que rien n'emportera. Que personne n'effacera. Et puis il y a ceux, celles, infini(e)s, bouleversant(e)s, évident(e)s. Ceux avec qui même l'apprentissage de la différence est une énergie complice. Qui nous construisent ailleurs, résonnent à l'intérieur, transforment en curiosité la peur. Cet amour dont elle parle si bien, et qui coule longtemps de nos joues à nos mains.

Le feu de cheminée d'Annick sauve nos vêtements et bagages. Sa soupe régénère l'âme et le corps. Nous restons tard auprès des flammes, parce que décidément, le feu ça réchauffe autant que la pluie ça mouille. Et l'Amour ça éclabousse.
Dans l'espoir de vous en avoir transmis un petit bout, on garde le votre au chaud de nos bûches du coeur.
On vous embrasse bien fort, belles Annick & Nanou.