Notre Dame de Paris - Saint Jacques de Compostelle : 1925km en fauteuil roulant

dimanche 25 juin 2017

Vendredi 23 Juin 2017 - Jour 68, Jour 67 bis


Le Jour le plus long


Alain : Albergue San Javier, Astorga

Alice : Astorga-Leòn / Leòn - Burgos / Burgos-Irùn / Irùn # Irùn Colon / Irùn Colon - Hendaia / Hendaye-Paris. Avec ceci ? Ce sera tout merci.

Cumul : 23h50 de voyage. Sur une journée de 24, il reste 10 minutes pour profiter de la vie active, de quoi se plaint-on ?

Météo : Clim froide, choc thermique assuré à la descente

Rushes :  2,98 Go.


 

Ce vendredi est toujours jeudi. ça commence mal. Après des heures de recherches sur la meilleure manière de rejoindre Paris pour y être opérationnelle Samedi matin, je m'accorde sur le compromis suivant : départ jeudi 22 au soir d'Astorga, changement dans la nuit à Burgos, puis train le vendredi de Irùn jusqu'à Paris. Oui, j'avais bien dit compromis.

Les autres combinaisons m'obligent soit à priver d'héritage mes huit prochaines générations, soit à partir beaucoup plus tôt d'Astorga, ce que je préfère éviter pour rester au maximum avec Alain - d'autant qu'au matin d'une journée on ne sait jamais vraiment comment elle va se dérouler, on peut donc encore moins prévoir quoi que ce soit de tangible en avance. L'accès aux aéroports est d'un compliqué inimaginable, et la plupart des tarifs adhérents. Va donc pour le combo 2 bus + 1 train.

Mais c'était sans compter les fourberies hispaniques.

J'avais pourtant pris soin de repérer la station dès notre arrivée à Astorga, Capitaine, et j'ai même vérifié à l'Office du Tourisme l'existence du bus choisi. Tous les autres bus, nous les avons payé au dernier moment, parole de Scout. Et tous les guichets de la gare routière sont fermés, je ne peux donc pas faire autrement. J'explique ma situation au conducteur lorsqu'il arrive, avec son bon quart d'heure de retard institutionnel. Il me répond non. Juste non. Comment ça, non ? Mais j'ai du liquide, j'ai ma carte, il y a des places dans le car... Mais je ne suis pas sur sa liste. Ben forcément puisque je n'ai pas pu réserver à l'avance, je vous dis. Par internet ? Vous connaissez l'état du réseau dans votre pays ? Déjà pour charger un blog, je sacrifie mes nuits, alors s'il s'agit d'effectuer une transaction depuis une banque française... Mais il refuse que je monte. Fondre en larmes n'y changera rien. Les chauffeurs de bus espagnols ne sont définitivement pas mes copains.

Cet épisode marque le début de l'enfer... Ou plutôt le début de l'angoisse d'y rester coincée pour l'éternité. "Tu ne reverras jamais les tiens" semble être le serment passé par les conducteurs locaux à l'obtention de leur permis.

 Je dois attendre le bus qui me mènera à Leòn. Je peux heureusement payer à l'intérieur, comme tout le monde le fait toujours... Puisqu'on a toujours fait comme ça. Sous la pression, je réserve la suite de mes billets prévisionnels depuis la connexion très capricieuse du car, entre Astorga et Leòn. C'est bien sur plus cher ainsi que le tarif indicatif sur place. Rénial. Loi de Murphy oblige et à force de ne pas trouver de réseau, la batterie se décharge vitesse grand V. Les transactions rament, et plantent bien entendu juste entre la "confirmation de paiement" et la réception du billet. Payer, c'est donc possible, voyager, c'est beaucoup demander, quand même.

Après avoir déniché LA prise de courant fonctionnelle de la gare de Leòn, je rejoins Burgos. Arrivée peu avant minuit, je me précipite sur le snack pour une dernière tortilla avant fermeture. Il n'en reste plus que des fourrées à des parfums somme toute baroques. ça aurait fait trop de contraste si quoi que ce soit s'était bien passé cette nuit. Le premier départ pour Irùn est à plus de 3h du matin. Minuit - 3h est justement la plage horaire idéale pour veiller seule à l'étranger, dans une gare routière. Conscience professionnelle oblige, j'en profite pour lancer les chargements des batteries et les transferts des fichiers de la journée de jeudi - dans la continuité de laquelle je suis n'ayant pas eu l'occasion de dormir depuis notre arrivée à Astorga. Oui, c'est bien celle avec les côtes et les cailloux. C'est vrai qu'exposer du matériel de valeur était tout ce qu'il me manquait pour inspirer au fait divers.

Le car pour Irùn arrive en pleine fin de lutte contre le sommeil, et je passe le voyage à mettre le blog à jour, toujours à la lumière du WiFi déplorable offert par le car et au son mélodieux des voix des acteurs de la série B diffusée sur les écrans centraux. Même dans une langue que je ne maîtrise pas encore pleinement, leur jeu sonne atrocement faux. Un bel aperçu de culture exportable.

Le soulagement d'arriver enfin à Irùn au petit matin et de pouvoir prendre un train direct pour Paris est de courte durée : ce train n'existe pas. Le coup des larmes, j'ai déjà fait. Il est tôt je dois juste avoir mal compris. Non, non, il faut aller dans une autre ville. Et pour rejoindre cette autre ville, il faut aller dans une autre gare. Quelqu'un dans ce pays souhaite t-il ouvertement ma mort ? D'autant que j'ai eu la bonne idée de profiter de ce retour pour rapporter tout ce qui ne nous serait plus nécessaire pour la fin du trajet (les gros pulls, les dizaines de livres qui ont été offerts à Alain sur le trajet, bref, tout ce qui peut être lourd et catégoriquement encombrant pour un tel périple. Je ne sais pas si je parle du pèlerinage ou de mon retour, là), et que tout le barda technique double le poids initial de mon sac. Tout cela sera d'autant moins de charge à pousser jusqu'à Saint Jacques, mais pour l'heure le défi est de deviner quelle épaule se déboîtera la première. J'arrive à Hendaye juste à l'heure pour espérer prendre le train qui part presque tout de suite. Mais qui présente la particularité d'être 4 fois plus cher que le suivant malgré le fait que "les places ne soient pas assurées, pour cause de sur-réservations". Et vous continuez à vendre des places ? A ce prix ? Le temps que je comprenne l'idée, le train est de toutes façons déjà parti. Super. Le prochain est dans plus de quatre heures. On n'est plus à ça près. Et après tout, peut-être est-ce préférable d'allonger encore un peu ce trajet bien sympathique plutôt que de voyager debout et ruinée ? On devient philosophe comme on peut. On se surprend aussi à laisser ses bagages au moindre inconnu le temps d'aller chercher un sandwich. On se surprend à ne plus du tout aimer les enfants lorsqu'ils passent les 8h de trajet à hésiter entre le sommeil et la faim, mais que leur moyen d'expression reste le même en toutes circonstances : pleurer fort.

Je retrouve mes parents venus soulager mon dos après avoir mis autant de temps à revenir d'Espagne que si j'avais été en Australie. Vous verrez du pays, qu'y disaient. Depuis que je suis partie, Alain est sur le point d'entamer sa deuxième nuit à l'Albergue San Javier. Il est temps que j'attaque ma première. Je travaille dans quelques heures. Allez les bleus.
 
 


 


















 



 
 


 

5 commentaires:

  1. Quelle aventure vous nous faites vivre!
    Des joies et des peines.
    Des photos magnifiques.
    Ce chemin ocre et caillouteux.
    Ces villes traversées.
    Ces beaux visages et chauffeurs grincheux.
    Des humains quoi.
    Je vous retrouverai sur le blog le 3 juillet.
    Bise à Alice et Alain
    Sophie et Arnaud
    Martine de valmy

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  2. Ouch ! Et tu crois encore en l'humain ? La vie parisienne va te paraitre un doux ronron :)

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Quid d'un pot commun pour organiser une prise d'otage de chauffeurs de bus espagnols généralisée ? Et on attend qu'ils rétablissent un goût normal aux tortillas pour envisager un quelconque dialogue. Bravo pour ton courage Alice, la prochaine fois, photo du chauffeur + message Twitter sur la page de la compagnie en question devant lui, à défaut d'un ap shagui castrateur, rien de telle qu'une délation libératrice.

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  5. Haha, merci pour ton soutien Gaby, mais je peux rien mettre sur Twitter, y a pas de réseau... Ils ont tout prévu ! ;)

    Et oui Didier, je crois encore en l'humain, ptèt pas en tous ceci-dit... Je me demande surtout ce qu'il a pu traverser pour être aussi déconnecté de son humanité... M'enfin, je suis arrivée vivante :)

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