Le Jour le plus long
Alain : Albergue San Javier, Astorga
Alice : Astorga-Leòn / Leòn - Burgos /
Burgos-Irùn / Irùn # Irùn
Colon / Irùn Colon - Hendaia / Hendaye-Paris. Avec ceci ? Ce sera tout merci.
Cumul : 23h50
de voyage. Sur une journée de 24, il reste 10 minutes pour profiter de la vie
active, de quoi se plaint-on ?
Météo : Clim
froide, choc thermique assuré à la descente
Rushes : 2,98 Go.
Ce vendredi est toujours jeudi.
ça commence mal. Après des heures de recherches sur la meilleure manière de
rejoindre Paris pour y être opérationnelle Samedi matin, je m'accorde sur le
compromis suivant : départ jeudi 22 au soir d'Astorga, changement dans la nuit
à Burgos, puis train le vendredi de Irùn jusqu'à Paris. Oui, j'avais bien dit
compromis.
Les autres combinaisons
m'obligent soit à priver d'héritage mes huit prochaines générations, soit à
partir beaucoup plus tôt d'Astorga, ce que je préfère éviter pour rester au
maximum avec Alain - d'autant qu'au matin d'une journée on ne sait jamais
vraiment comment elle va se dérouler, on peut donc encore moins prévoir quoi
que ce soit de tangible en avance. L'accès aux aéroports est d'un compliqué
inimaginable, et la plupart des tarifs adhérents. Va donc pour le combo 2 bus +
1 train.
Mais c'était sans compter les
fourberies hispaniques.
J'avais pourtant pris soin de
repérer la station dès notre arrivée à Astorga, Capitaine, et j'ai même vérifié
à l'Office du Tourisme l'existence du bus choisi. Tous les autres bus, nous les
avons payé au dernier moment, parole de Scout. Et tous les guichets de la gare
routière sont fermés, je ne peux donc pas faire autrement. J'explique ma
situation au conducteur lorsqu'il arrive, avec son bon quart d'heure de retard
institutionnel. Il me répond non. Juste non. Comment ça, non ? Mais j'ai du
liquide, j'ai ma carte, il y a des places dans le car... Mais je ne suis pas
sur sa liste. Ben forcément puisque je n'ai pas pu réserver à l'avance, je vous
dis. Par internet ? Vous connaissez l'état du réseau dans votre pays ? Déjà
pour charger un blog, je sacrifie mes nuits, alors s'il s'agit d'effectuer une
transaction depuis une banque française... Mais il refuse que je monte. Fondre
en larmes n'y changera rien. Les chauffeurs de bus espagnols ne sont
définitivement pas mes copains.
Cet épisode marque le début de
l'enfer... Ou plutôt le début de l'angoisse d'y rester coincée pour l'éternité.
"Tu ne reverras jamais les tiens" semble être le serment passé par
les conducteurs locaux à l'obtention de leur permis.
Je dois attendre le bus qui me mènera à Leòn.
Je peux heureusement payer à l'intérieur, comme tout le monde le fait
toujours... Puisqu'on a toujours fait comme ça. Sous la pression, je réserve la
suite de mes billets prévisionnels depuis la connexion très capricieuse du car,
entre Astorga et Leòn. C'est bien sur plus cher ainsi que le tarif indicatif
sur place. Rénial. Loi de Murphy oblige et à force de ne pas trouver de réseau,
la batterie se décharge vitesse grand V. Les transactions rament, et plantent
bien entendu juste entre la "confirmation de paiement" et la
réception du billet. Payer, c'est donc possible, voyager, c'est beaucoup
demander, quand même.
Après avoir déniché LA prise de
courant fonctionnelle de la gare de Leòn, je rejoins Burgos. Arrivée peu avant
minuit, je me précipite sur le snack pour une dernière tortilla avant
fermeture. Il n'en reste plus que des fourrées à des parfums somme toute baroques. ça aurait fait trop de contraste si quoi que ce soit s'était bien
passé cette nuit. Le premier départ pour Irùn est à plus de 3h du matin. Minuit
- 3h est justement la plage horaire idéale pour veiller seule à l'étranger,
dans une gare routière. Conscience professionnelle oblige, j'en profite pour
lancer les chargements des batteries et les transferts des fichiers de la
journée de jeudi - dans la continuité de laquelle je suis n'ayant pas eu
l'occasion de dormir depuis notre arrivée à Astorga. Oui, c'est bien celle avec les côtes et les cailloux. C'est vrai qu'exposer du
matériel de valeur était tout ce qu'il me manquait pour inspirer au fait
divers.
Le car pour Irùn arrive en pleine
fin de lutte contre le sommeil, et je passe le voyage à mettre le blog à jour,
toujours à la lumière du WiFi déplorable offert par le car et au son mélodieux
des voix des acteurs de la série B diffusée sur les écrans centraux. Même dans
une langue que je ne maîtrise pas encore pleinement, leur jeu sonne atrocement
faux. Un bel aperçu de culture exportable.
Le soulagement d'arriver enfin à
Irùn au petit matin et de pouvoir prendre un train direct pour Paris est de
courte durée : ce train n'existe pas. Le coup des larmes, j'ai déjà fait. Il
est tôt je dois juste avoir mal compris. Non, non, il faut aller dans une autre
ville. Et pour rejoindre cette autre ville, il faut aller dans une autre gare.
Quelqu'un dans ce pays souhaite t-il ouvertement ma mort ? D'autant que j'ai eu
la bonne idée de profiter de ce retour pour rapporter tout ce qui ne nous serait plus nécessaire pour la fin
du trajet (les gros pulls, les dizaines de livres qui ont été offerts à Alain
sur le trajet, bref, tout ce qui peut être lourd et catégoriquement encombrant
pour un tel périple. Je ne sais pas si je parle du pèlerinage ou de mon retour,
là), et que tout le barda technique double le poids initial de mon sac. Tout
cela sera d'autant moins de charge à pousser jusqu'à Saint Jacques, mais pour
l'heure le défi est de deviner quelle épaule se déboîtera la première. J'arrive
à Hendaye juste à l'heure pour espérer prendre le train qui part presque tout
de suite. Mais qui présente la particularité d'être 4 fois plus cher que le
suivant malgré le fait que "les places ne soient pas assurées, pour cause
de sur-réservations". Et vous continuez à vendre des places ? A ce prix ? Le
temps que je comprenne l'idée, le train est de toutes façons déjà parti. Super.
Le prochain est dans plus de quatre heures. On n'est plus à ça près. Et après
tout, peut-être est-ce préférable d'allonger encore un peu ce trajet bien
sympathique plutôt que de voyager debout et ruinée ? On devient philosophe
comme on peut. On se surprend aussi à laisser ses bagages au moindre inconnu le
temps d'aller chercher un sandwich. On se surprend à ne plus du tout aimer les
enfants lorsqu'ils passent les 8h de trajet à hésiter entre le sommeil et la
faim, mais que leur moyen d'expression reste le même en toutes circonstances :
pleurer fort.
Je retrouve mes parents venus
soulager mon dos après avoir mis autant de temps à revenir d'Espagne que si
j'avais été en Australie. Vous verrez du pays, qu'y disaient. Depuis que je
suis partie, Alain est sur le point d'entamer sa deuxième nuit à l'Albergue San
Javier. Il est temps que j'attaque ma première. Je travaille dans quelques
heures. Allez les bleus.
Quelle aventure vous nous faites vivre!
RépondreSupprimerDes joies et des peines.
Des photos magnifiques.
Ce chemin ocre et caillouteux.
Ces villes traversées.
Ces beaux visages et chauffeurs grincheux.
Des humains quoi.
Je vous retrouverai sur le blog le 3 juillet.
Bise à Alice et Alain
Sophie et Arnaud
Martine de valmy
Ouch ! Et tu crois encore en l'humain ? La vie parisienne va te paraitre un doux ronron :)
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerQuid d'un pot commun pour organiser une prise d'otage de chauffeurs de bus espagnols généralisée ? Et on attend qu'ils rétablissent un goût normal aux tortillas pour envisager un quelconque dialogue. Bravo pour ton courage Alice, la prochaine fois, photo du chauffeur + message Twitter sur la page de la compagnie en question devant lui, à défaut d'un ap shagui castrateur, rien de telle qu'une délation libératrice.
RépondreSupprimerHaha, merci pour ton soutien Gaby, mais je peux rien mettre sur Twitter, y a pas de réseau... Ils ont tout prévu ! ;)
RépondreSupprimerEt oui Didier, je crois encore en l'humain, ptèt pas en tous ceci-dit... Je me demande surtout ce qu'il a pu traverser pour être aussi déconnecté de son humanité... M'enfin, je suis arrivée vivante :)