Notre Dame de Paris - Saint Jacques de Compostelle : 1925km en fauteuil roulant

vendredi 16 juin 2017

Jeudi 15 Juin 2017 - Jour 60, étape-hôtel


Trouver chaussure à son pied

 

Visite : Bayonne

Distance parcourue : Du manque de sommeil à l'amour généreux

Météo : De la pluie au réveil. La bonne excuse pour ne pas se lever. Le temps lui-même ne se lèvera d'ailleurs pas non plus.

Rushes :  97 Go + trouvation d'un disque dur de remplaçation. Yahooation.
 
"Se lever tôt" est un concept qui induit tout de même que l'heure du coucher soit antérieure à celle du réveil. Une notion essentielle qui m'avait échappée. J'ai à peine fermé l'oeil lorsque le réveil sonne, et mon corps refuse catégoriquement tout mouvement qui se dissocie de la léthargie. C'est peut-être ça qu'on appelle "trouver ses limites". Ma culpabilité est vite emportée par la vision de la pluie au dehors, ainsi que le fait qu'Alain ne bouge pas plus un orteil que moi alors qu'il s'est couché à une heure un peu plus descente. Il est donc déjà 10h lorsque nous entamons le petit déjeuner, et l'énergie n'est pas exactement à l'empressement. Et quelque chose nous retient. Je veux dire quelque chose d'autre que les récits incroyables et mélodieux de la vie de Socorro, et sa manière de parler d'essentiel et d'amour.
"S'il n'y a pas le même chose dans ton tête que dans ton bouche, c'est le mensonge." J'admets que cette amorce me trouble. "Je te dis le vérité à quelqu'un parce que je ne veux pas être mauvaise personne, et parce que je t'aime cette personne. On ne perd pas le temps à dire les vraies choses si l'on ne veut pas aider et respecter l'autre. La richesse ce n'est pas l'argent ou les apparences. C'est aimer et être aimé d'un vrai amour. On cherche le vrai amour, tout le reste c'est le belle vie. Tu vas avoir beaucoup les possibilités, mais laisse guider les bons chemins. Tu es une grande personne avec ton âge, Alice. Tu as donné beaucoup de l'amour le plus fort. Tout le monde n'a pas le capacité de aimer avec cet amour, mais ne sors pas de cette idée.
Alain, tu fais quelque chose de grand. Parfois la maladie est comme une cadeau. Il faut laisser faire la vie, il ne faut pas t'changer ce que la vie a prévu pour toi. Escoute-la, et souis-la. Elle a des choses fabouleuses qui t'attendent. Le corps est le lieu de l'esprit, et tou ne peux pas ca'cher les difficoultés émot'ionnelles. Tou vas retrouver de la mobilité si tu as compris beaucoup les choses."
Ces derniers jours, Alain marche de moins en moins facilement et me confie avoir renoncé à gagner cette partie du combat contre la maladie. Mais ici on a le remède au Cancer, à l'Alzheimer et bientôt au Sida. Beaucoup de foi, et des produits miracles. J'attendrai le retour pour trouver de quelle manière diffuser ces idées qui ne plairait pas beaucoup aux lobbyistes pharmaceutiques. On mange bio et le café vient directement de Colombie. "Itchi ils rajoutent la caféïne, parce que c'est votre habitude de l'Arabica fort. Mais celoui-là ne fait pas battre le tremblement de coeur et n'est pas amer.". Et c'est vrai. Je ne suis pas une grande amatrice de café mais celui-ci est d'une douceur incroyable et délicieusement parfumé. Alain, qui en buvait des litres à sa grande époque, constate que celui-ci n'a rien d'âpre. C'est assez merveilleux, un peu comme une caresse. Oui, oui, on parle toujours du café là.
Ces récits de vie terminent de faire passer la matinée. Je réfléchis à la manière d'ajuster le programme lorsqu'arrivent Bertie & Elise. Un couple aussi extraordinaire qu'extraordinaire. Il est impossible de deviner leur âge avant qu'ils nous le révèlent, mais on ne peut en revanche passer à côté de l'Amour qui les soude. Ils sont mariés depuis dix ans. Il n'y a donc pas d'âge pour trouver chaussure à son pied. Bertie est anglais, ce qui complète assez bien notre session accents dans cette maison internationale. Elise est d'une douceur sans pareille, et elle ne met que quelques secondes à devenir notre protectrice. Ces gens là vous touchent au coeur, comme ça, cash. Une violente vague de simplicité et de bonté. Une puissance indéfinissable. Ils nous félicitent pour ce projet, et nous proposent de nous faire visiter Bayonne cet après-midi après nous avoir demandé si nous aimions le chocolat...  Je crois qu'il y a pire comme perspective...
"T'es revenue, et là c'est reparti comme au début... ça recommence.." me dit Alain. "Wah, c'est puissant, les messages ils viennent, ils viennent, ils reviennent... c'est chaud à gérer, ça arrête pas, ça fait bing, bing. C'est un peu troublant quand même."
Et ça, il le dit pourtant avant que nous allions au bout de la ruelle manger au "Grillon". Derrière les travaux qui encombrent la façade, il est impossible de deviner l'oasis d'amour qui se cache ici. C'est Socorro qui nous conseille l'endroit, et nous nous devons de diffuser cette information à notre tour. Nous aurions aimé vous montrer le plat avant/après dégustation, mais la qualité de la cuisine ne nous en laisse pas le temps... Vu l'état dans lequel nous laissons les assiettes, on peut éventuellement saisir l'idée de ce à quoi elles ressemblaient avant même que le repas soit servi. Mais entre temps c'est comme un trou spatio-temporel. Et gustatif. Cette région a du bon. Cette rencontre nous recharge encore en énergie bienveillante, puissante, débordante. Et en crème anglaise.
Le temps reste menaçant, Bertie nous propose un tour de Bayonne en voiture avant de se balader dans les ruelles. Cet homme est un puits de savoir, d'Histoire, d'Arts et de Culture. Il a cette manière de mélanger les langages, you know, et de s'intéresser à l'autre avec une sincérité et une précision captivante.
Il nous raconte Bayonne. Les immeubles de plus de 200 ans. Le premier bâtiment haussmanien de France. L'ancien hôtel pour pèlerins Monbar. Le bâtiment Arts Décos de la Poste. Les poignées qui frappent aux portes. La reproduction à l'échelle de Notre Dame. 50% de celle de Paris. La navette municipale. Le futur tramway. Les drapeaux qui attendent les mythiques fêtes de Bayonne. Les canons dans les parkings souterrains. Le meilleur point de vue sur la Cathédrale. La Cathédrale elle-même. Les dates importantes et les bayonnais célèbres. La mer et la montagne à proximité.
Alain veut déménager. Depuis le départ il flashe sur chaque endroit traversé, "mais ici il se passe quelque chose d'un autre ordre". Il se renseigne sur le coût de la vie, on écume les agences immobilières. Il attendra la fin du pèlerinage pour trouver chaussure à son pied, mais c'est sur qu'elle n'est pas loin.
En parlant de chaussures, Bertie nous mène chez un cordonnier qu'il connait bien, pour nous le présenter et nous montrer son atelier fascinant. Vous connaissez le comble pour un pèlerin en fauteuil ? Ne cherchez plus, on y est. On y est même jusqu'à la cheville, dans cette mousse qui prend les empreintes de pieds pour pouvoir couler des modèles en plâtres ensuite. Un cadeau aussi insolite qu'émouvant pour un Alain qui ne s'en remettra qu'autour d'un chocolat insolent. Je ne vous mets qu'une seule photo, la suite a été à nouveau trop rapide. Vous me dites si je parle trop de ce que l'on mange, hein... Mais c'est un peu notre manière de partager. Et réjouissez-vous, vous au moins vous n'avez rien à éliminer !
Nous poursuivons la visite en abordant comme à notre habitude un petit millier de passants sur la route, doublé de la découverte que Bertie ne se défende pas mal à ce sport dans lequel Alain bat chaque jour des records.. Notre plus jeune interlocuteur a tout juste deux mois, et la main douce d'Elise restera surement la plus belle manière de chausser ces petits petons d'une mignonsté aussi absolue qu'extrêmement émouvante. Il semblerait que certaines fractures ne soient cloisonnées à aucune génération, et la beauté d'Elise éclate alors dans toute sa fragilité.
 
Nous croisons Ben qui travaille dans la ville avant d'être invités à visiter l'appartement d'Elise & Bertie "pour qu'Alain voit comment c'est de l'intérieur et s'il veut toujours habiter ici". Ils nous raccompagnent ensuite chez Paul & Socorro, qui les retiennent pour le repas piperadé. Personne n'évoque le terme de véganisme mais il se trouve que les seuls produits animaux que nous avons consommé depuis que nous sommes ici sont les oeufs des poules du jardin. #jesuisbiencontente
La soirée est riche en échanges spirituels et mystiques. Religions, Bibles, mythes, croyances, politique, féminisme, pauvreté, santé, complots, sexualité, relation à la Nature, nous passons par tous les sujets consensuels bien connus. Je ne suis pas sure d'avoir retenu un seul thème sur lequel deux d'entre nous soient tombés d'accord, mais on ne pourra pas dire que nous nous sommes ennuyés. Et après tout, nous avons peut-être tout de même partagé l'essentiel. La gratitude, l'admiration, l'émotion. L'Amour de passer ce moment ensemble.
 Il me reste 3h de sommeil pour digérer tout ça. Avant de retrouver chaussures qui brûlent les pieds.















 


















































 













































































































































3 commentaires:

  1. Quel beau témoignage!
    De belles rencontres.
    Des humains magnifiques, à l'extérieur et à l'intérieur.
    Bertie et Elise sont très touchants.
    Bayonne capitale européenne du chocolat.Waouh!
    Voyage plein de surprises.
    Merci pour ce partage.
    Martine de Valmy

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  2. Quel beau récit... Comme quoi, même les jours de pluie peuvent être doux à l'aune de belles rencontres, de beaux mots, et de bon café.

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