Notre Dame de Paris - Saint Jacques de Compostelle : 1925km en fauteuil roulant

dimanche 18 juin 2017

Dimanche 18 Juin 2017 - Jour 63, vous reprendrez bien un bout de car-car ?


Vases communicants


Départ : Pamplona (Navarra, Espagña) - Albergue Jesùs y Maria

Arrivée : Leòn (Castilla y Leòn, Espagña) - Benedictinas, Albergue Santa Maria De Carbajal

Météo : La muerte. On atteint les 20°C avant 8h30. Un petit pic à 45°C en vue. Toujours pas moins de 40°C passées 19h30.

Rushes :  112 Go
 

Alain a mal dormi. Les autres pèlerins se sont levés aux alentours de 6h, et ils semblent n'avoir pas été très discrets. Pour ma part, rien au monde n'aurait pu me faire sortir du sommeil avant mon propre réveil, et je passe donc ma plus longue nuit du périple. J'ouvre les yeux, ravie, sur les coups de 8h, et découvre avec surprise qu'Alain est déjà sur son fauteuil. Ma bonne humeur matinale ne sera a priori absolument pas communicative de la journée.

Nous petit déjeunons au Café Teo, partenaire de l'Auberge, avant d'aller prendre notre premier bus de la journée : La liaison Pamplona - Logroño. Nous traversons au passage de jolies ruelles, jonchées des déchets de cette nuit. Un dépotoir dont les bouts de verre manquent de faire crever les roues du fauteuil. Non merci, nous ferons sans crevaison pour ce matin si possible, d'autant que la pompe est restée chez Socorro. Comme dirait Jean-Jacques, une manière de laisser des bouts de nous au creux de chaque endroit... Si on peut éviter de compenser par des creux dans les pneux...

Côté bagages, c'est de toute façon l'anarchie. Je n'ai pas encore eu le temps de faire du tri dans la charrette depuis mon retour. Elle est encombrée de quantités de choses non identifiée depuis que j'ai retrouvé Alain, et il semble n'avoir aucune envie de faire de lui-même du vide. Je ne sais pas ce qu'il a pu accumuler comme ça, mais je m'énerve de le voir aussi inefficace qu'agressif lorsque j'amorce un semblant de rangement. Le contexte idéal pour un bon accrochage des familles. On va mettre ça sur le compte de sa fatigue et de la chaleur.

Notre premier chauffeur n'est pas exactement aimable non plus. Il m'indique d'abord que ce n'est pas possible de faire monter un fauteuil, malgré mes tentatives d'explications : Alain peut monter à pieds, et on met le fauteuil avec les bagages. On finit par devoir trouver quelqu'un qui peut réellement traduire la phrase exacte, car il ne fera aucun effort de compréhension de mes tentatives linguistiques, même lorsque je m'essaye à une gestuelle d'exception. J'ai dû perdre le fluide.

Arrivés à Logroño, c'est pourtant nos compatriotes Danièle et Marité que j'aide à demander des informations au guichetier espagnol, dont les efforts de compréhension à leur égard ne sont pas flagrants non plus. Bon, je veux bien qu'on vous encombre un peu, en pèlerinant chez vous, mais aidez-nous au moins quand on en profite pour faire tourner l'économie locale.

Le seul bus qui nous corresponde au départ de Logroño va jusqu'à Burgos, car aucune étape intermédiaire n'est desservie aujourd'hui. Au vu du guide, elles sont de toute manière majoritairement infaisables, c'était donc à peu près ce qui était prévu. Nous longeons le Camino durant tout le trajet. Les marcheurs nous font à la fois envie et semblent d'un autre côté avoir très chaud. Déjà que la clim du car ne peut pas descendre en dessous de 30°C pour ne pas faire une trop grosse différence avec l'extérieur, alors en plein Soleil avec les sacs... En outre, c'est essentiellement de la piste, parfois un peu caillouteuse, souvent également assez pentue, et visiblement jamais ombragée. Pas de regret de ce côté-là donc.

Je caresse même l'espoir d'optimiser ce temps de trajet pour pouvoir charger les photos d'hier sur le blog grâce au WiFi annoncé par le bus, mais il ne fonctionne que jusqu'à la mise en page. Le fourbe. Désolée par conséquent pour l'anarchie dans les photos de l'article précédent. Je finis par renoncer et nous terminons le trajet entre le sommeil et le coma.

Arrivés à Burgos, Alain est toujours dans un état de nerfs qui ne regarde que lui. L'étape qui part de Burgos est trop dénivelée, nous devons au moins nous avancer d'une trentaine de kilomètres avant de pouvoir reprendre la marche demain. Mais nous sommes dimanche, il n'y a qu'un seul guichet d'ouvert et une seule ville ne peut de toutes manières être desservie avant Leòn. Le car en question ne part que demain à 17h30, et c'est une autre compagnie qui s'en occupe. Sans quoi cette compagnie-ci assure une liaison directe pour Leòn dans une heure. J'explique tout ça à Alain et nous optons pour cette dernière option. Comme l'impression qu'il est pressé d'en avoir terminé avec ce périple.

Il reste une petite heure avant le départ. Je prends les billets et m'aventure dans Burgos pour chercher de quoi manger. En Espagne, un dimanche, et avant 16h de surcroît, il n'y a pas grand chose d'ouvert. Je dévalise le premier bar à tapas venu de son pain un peu sec et de ses beignets un peu gras. Mieux vaut ça que de mourir de faim. Il fait entre 40 et 45°C et j'ai eu la bonne idée de mettre du noir. Mon corps m'exprime son mécontentement sans délais : j'inonde le bar d'un saignement de nez digne d'une hémophile sous anticoagulants. Le coup de la mèche me confirme que ce chemin n'est décidément pas placé sous le signe de la séduction.

La montée dans le car à Burgos termine de m'achever. Je m'attèle au rituel : faire monter Alain, ranger le fauteuil, risquer de casser la charrette pour la faire entrer dans la soute à bagages, pendant que le chauffeur me signale qu'un complément "Bicycletta" est à régler pour la dite charrette "mais pas le fauteuil" précise t-il, plein d'humanité. C'est le moment choisit par un couple d'Anglais pour signaler qu'Alain occupe leurs places. Premier car où elles sont numérotées par ailleurs. Je demande (naïvement ?) si on peut échanger avec les nôtres, en expliquant qu'il est difficile pour Alain de se déplacer, je montre le fauteuil, tout ça, et qu'en terme de sécurité, il est préférable qu'il ne reste pas loin de la porte. Devant le mur d'incompréhension, je deviens plus ferme "il ne peut pas marcher." "Pour 5 ou 6 pas, il va pouvoir" me répond tout aussi fermement la dame. Aucun soutien côté conducteur .Je ne suis pas d'une nature violente mais à ce moment précis je dois admettre que j'ai clairement envie de leur foutre mon poing dans la gueule. J'ai cherché une formulation plus policée mais elle ne rendrait pas exactement compte de ce que j'ai ressenti. Un autre jeune homme assis juste derrière propose gentiment de laisser lui-même sa place. Heureusement qu'il reste des gens qui font encore la différence entre humanité et discrimination. Je suis la première à penser que nous devrions traiter tout le monde de la même manière, mais je ne suis pas sure que ce soit au détriment du bon sens. Une fois tout ce petit monde installé à une place qui ferme le débat, je dois encore aller régler cette histoire de billet "Bicycletta", à l'accueil situé à l'autre bout de la gare routière, que je commence à bien connaître. Cela retarde le départ de tout le bus d'un bon quart d'heure, étant donné que l'ordinateur ne peut plus délivrer de billet pour un bus dont l'heure de départ est dépassée. Mes années de méditation prennent ici tout leur sens.

Nous arrivons à Leòn sur les coups de 19h et partons à la recherche d'un office du tourisme fermé et d'une église en pleine messe pour trouver quelques renseignements. Aucun réseau internet sur le téléphone, il ne reste que l'option "trouver un plan de la ville en espérant que les auberges jacquaires soient indiquées". Après un petit rallye montées/descentes dans les rues de Leòn, nous trouvons enfin la très accueillante Auberge des Bénédictines.  Dans ces grands dortoirs où nous partageons une prise de courant pour 34, je me remercie encore plus que d'habitude d'avoir ma propre prise multiple. C'est un objet incongru pour un pèlerin, le but étant de voyager le plus léger possible, mais avec tous les chargements qui m'attendent chaque soir c'était réellement indispensable.

Après avoir été invités à assister à la messe de bénédiction des pèlerins par des soeurs dynamiques et polyglottes (sauf le français), nous profitons du "partenariat" avec le restaurant avoisinant pour déguster le repas du pèlerin. Et à moins de 10€ tout compris, un dimanche soir dans une ville que nous ne connaissons pas, après une journée aussi éprouvante, nous aurions tort de nous en priver. Le temps de remonter, tout est éteint dans le dortoir. Je descends donc travailler dans la cour silencieuse qui ne tarde pas à être éteinte aussi. Après un petit moment de solitude, je profite finalement de l'atmosphère douce des soirs du Sud en vous écrivant ces lignes.

La journée la chaleur est vraiment intenable, et il nous faudra partir tôt les jours d'étape pour pouvoir avancer. Pour demain, il n'est pas raisonnable de partir sans pompe à vélo. En cas de crevaison en plein cagnard "je vais devenir ouf" prédit Alain. Les magasins n'ouvrant qu'à 10h, je lui propose donc de passer la journée ici si les soeurs l'acceptent, ce qui nous laisse un peu de repos après cette journée fatigante malgré tout. Nous aurons ainsi le temps de visiter Leòn en s'habituant à la chaleur dans des conditions plus apaisées. Et avec le kilométrage que nous avons gagné, nous pouvons nous permettre de retarder le départ d'une journée. C'est en tout cas l'équilibre entre l'envie d'avancer et l'assurance de le faire dans de bonnes conditions qui me semble le plus sage.

Il nous restera ensuite une grosse quinzaine d'étape. Avec ma semaine de remontée sur Paris, qui aura la double utilité de laisser Alain récupérer, on peut compter un mi-juillet bien tassé pour l'arrivée. A moins que quelqu'un vienne avancer pendant mon absence ?
 
 




























































































































































































 

2 commentaires:

  1. Lilice!
    Courage à vous deux, vous êtes des champions ! Ça a l air assez éprouvant et j'espère que vous retrouverez le rythme joyeux que vous aviez ces derniers jours !
    #vousetesblackalainetblackaliceoupas
    Laura

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  2. Magnifiques photos.
    Paysage écrasé de soleil.
    Que calor! Tambien à Ivry.
    Vous allez refaire de belles rencontres quand vous rejoindrez le chemin.
    Je marche dans ma tête avec vous.
    Bises
    Martine de Valmy

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