Vases communicants
Arrivée : Leòn (Castilla y Leòn, Espagña)
- Benedictinas, Albergue Santa Maria De Carbajal
Météo : La
muerte. On atteint les 20°C avant 8h30. Un petit pic à 45°C en vue. Toujours
pas moins de 40°C passées 19h30.
Rushes : 112 Go
Alain a mal dormi. Les autres
pèlerins se sont levés aux alentours de 6h, et ils semblent n'avoir pas été
très discrets. Pour ma part, rien au monde n'aurait pu me faire sortir du sommeil
avant mon propre réveil, et je passe donc ma plus longue nuit du périple.
J'ouvre les yeux, ravie, sur les coups de 8h, et découvre avec surprise
qu'Alain est déjà sur son fauteuil. Ma bonne humeur matinale ne sera a priori
absolument pas communicative de la journée.
Nous petit déjeunons au Café Teo,
partenaire de l'Auberge, avant d'aller prendre notre premier bus de la journée
: La liaison Pamplona - Logroño. Nous traversons au passage de jolies ruelles,
jonchées des déchets de cette nuit. Un dépotoir dont les bouts de verre
manquent de faire crever les roues du fauteuil. Non merci, nous ferons sans
crevaison pour ce matin si possible, d'autant que la pompe est restée chez
Socorro. Comme dirait Jean-Jacques, une manière de laisser des bouts de nous au
creux de chaque endroit... Si on peut éviter de compenser par des creux dans
les pneux...
Côté bagages, c'est de toute
façon l'anarchie. Je n'ai pas encore eu le temps de faire du tri dans la
charrette depuis mon retour. Elle est encombrée de quantités de choses non identifiée depuis que
j'ai retrouvé Alain, et il semble n'avoir aucune envie de faire de lui-même du vide.
Je ne sais pas ce qu'il a pu accumuler comme ça, mais je m'énerve de le voir
aussi inefficace qu'agressif lorsque j'amorce un semblant de rangement. Le
contexte idéal pour un bon accrochage des familles. On va mettre ça sur le
compte de sa fatigue et de la chaleur.
Notre premier chauffeur n'est pas
exactement aimable non plus. Il m'indique d'abord que ce n'est pas possible de
faire monter un fauteuil, malgré mes tentatives d'explications : Alain peut
monter à pieds, et on met le fauteuil avec les bagages. On finit par devoir
trouver quelqu'un qui peut réellement traduire la phrase exacte, car il ne fera
aucun effort de compréhension de mes tentatives linguistiques, même lorsque je
m'essaye à une gestuelle d'exception. J'ai dû perdre le fluide.
Arrivés à Logroño, c'est pourtant
nos compatriotes Danièle et Marité que j'aide à demander des informations au
guichetier espagnol, dont les efforts de compréhension à leur égard ne sont pas
flagrants non plus. Bon, je veux bien qu'on vous encombre un peu, en pèlerinant
chez vous, mais aidez-nous au moins quand on en profite pour faire tourner
l'économie locale.
Le seul bus qui nous corresponde au
départ de Logroño va jusqu'à Burgos, car aucune étape intermédiaire n'est
desservie aujourd'hui. Au vu du guide, elles sont de toute manière
majoritairement infaisables, c'était donc à peu près ce qui était prévu. Nous
longeons le Camino durant tout le trajet. Les marcheurs nous font à la fois
envie et semblent d'un autre côté avoir très chaud. Déjà que la clim du car ne
peut pas descendre en dessous de 30°C pour ne pas faire une trop grosse
différence avec l'extérieur, alors en plein Soleil avec les sacs... En outre,
c'est essentiellement de la piste, parfois un peu caillouteuse, souvent
également assez pentue, et visiblement jamais ombragée. Pas de regret de ce
côté-là donc.
Je caresse même l'espoir
d'optimiser ce temps de trajet pour pouvoir charger les photos d'hier sur le
blog grâce au WiFi annoncé par le bus, mais il ne fonctionne que jusqu'à la
mise en page. Le fourbe. Désolée par conséquent pour l'anarchie dans les
photos de l'article précédent. Je finis par renoncer et nous terminons le
trajet entre le sommeil et le coma.
Arrivés à Burgos, Alain est
toujours dans un état de nerfs qui ne regarde que lui. L'étape qui part de
Burgos est trop dénivelée, nous devons au moins nous avancer d'une trentaine de
kilomètres avant de pouvoir reprendre la marche demain. Mais nous sommes
dimanche, il n'y a qu'un seul guichet d'ouvert et une seule ville ne peut de
toutes manières être desservie avant Leòn. Le car en question ne part que
demain à 17h30, et c'est une autre compagnie qui s'en occupe. Sans quoi cette
compagnie-ci assure une liaison directe pour Leòn dans une heure. J'explique
tout ça à Alain et nous optons pour cette dernière option. Comme l'impression
qu'il est pressé d'en avoir terminé avec ce périple.
Il reste une petite heure avant
le départ. Je prends les billets et m'aventure dans Burgos pour chercher de
quoi manger. En Espagne, un dimanche, et avant 16h de surcroît, il n'y a pas
grand chose d'ouvert. Je dévalise le premier bar à tapas venu de son pain un
peu sec et de ses beignets un peu gras. Mieux vaut ça que de mourir de faim. Il
fait entre 40 et 45°C et j'ai eu la bonne idée de mettre du noir. Mon corps
m'exprime son mécontentement sans délais : j'inonde le bar d'un saignement de
nez digne d'une hémophile sous anticoagulants. Le coup de la mèche me confirme
que ce chemin n'est décidément pas placé sous le signe de la séduction.
La montée dans le car à Burgos
termine de m'achever. Je m'attèle au rituel : faire monter Alain, ranger le
fauteuil, risquer de casser la charrette pour la faire entrer dans la soute à
bagages, pendant que le chauffeur me signale qu'un complément
"Bicycletta" est à régler pour la dite charrette "mais pas le
fauteuil" précise t-il, plein d'humanité. C'est le moment choisit par un
couple d'Anglais pour signaler qu'Alain occupe leurs places. Premier car où
elles sont numérotées par ailleurs. Je demande (naïvement ?) si on peut échanger
avec les nôtres, en expliquant qu'il est difficile pour Alain de se déplacer,
je montre le fauteuil, tout ça, et qu'en terme de sécurité, il est préférable
qu'il ne reste pas loin de la porte. Devant le mur d'incompréhension, je
deviens plus ferme "il ne peut pas marcher." "Pour 5 ou 6 pas,
il va pouvoir" me répond tout aussi fermement la dame. Aucun soutien côté
conducteur .Je ne suis pas d'une nature violente mais à ce moment précis je dois
admettre que j'ai clairement envie de leur foutre mon poing dans la gueule. J'ai
cherché une formulation plus policée mais elle ne rendrait pas exactement
compte de ce que j'ai ressenti. Un autre jeune homme assis juste derrière propose
gentiment de laisser lui-même sa place. Heureusement qu'il reste des gens qui
font encore la différence entre humanité et discrimination. Je suis la première
à penser que nous devrions traiter tout le monde de la même manière, mais je ne
suis pas sure que ce soit au détriment du bon sens. Une fois tout ce petit
monde installé à une place qui ferme le débat, je dois encore aller régler
cette histoire de billet "Bicycletta", à l'accueil situé à l'autre
bout de la gare routière, que je commence à bien connaître. Cela retarde le
départ de tout le bus d'un bon quart d'heure, étant donné que l'ordinateur ne
peut plus délivrer de billet pour un bus dont l'heure de départ est dépassée.
Mes années de méditation prennent ici tout leur sens.
Nous arrivons à Leòn sur les
coups de 19h et partons à la recherche d'un office du tourisme fermé et d'une
église en pleine messe pour trouver quelques renseignements. Aucun réseau
internet sur le téléphone, il ne reste que l'option "trouver un plan de la ville en
espérant que les auberges jacquaires soient indiquées". Après un petit
rallye montées/descentes dans les rues de Leòn, nous trouvons enfin la très
accueillante Auberge des Bénédictines.
Dans ces grands dortoirs où nous partageons une prise de courant pour
34, je me remercie encore plus que d'habitude d'avoir ma propre prise multiple.
C'est un objet incongru pour un pèlerin, le but étant de voyager le plus léger
possible, mais avec tous les chargements qui m'attendent chaque soir c'était
réellement indispensable.
Après avoir été invités à
assister à la messe de bénédiction des pèlerins par des soeurs dynamiques et polyglottes
(sauf le français), nous profitons du "partenariat" avec le
restaurant avoisinant pour déguster le repas du pèlerin. Et à moins de 10€ tout
compris, un dimanche soir dans une ville que nous ne connaissons pas, après une
journée aussi éprouvante, nous aurions tort de nous en priver. Le temps de
remonter, tout est éteint dans le dortoir. Je descends donc travailler dans la
cour silencieuse qui ne tarde pas à être éteinte aussi. Après un petit moment
de solitude, je profite finalement de l'atmosphère douce des soirs du Sud en
vous écrivant ces lignes.
La journée la chaleur est vraiment
intenable, et il nous faudra partir tôt les jours d'étape pour pouvoir avancer.
Pour demain, il n'est pas raisonnable de partir sans pompe à vélo. En cas de
crevaison en plein cagnard "je vais devenir ouf" prédit Alain. Les
magasins n'ouvrant qu'à 10h, je lui propose donc de passer la journée ici si
les soeurs l'acceptent, ce qui nous laisse un peu de repos après cette journée
fatigante malgré tout. Nous aurons ainsi le temps de visiter Leòn en s'habituant à la chaleur dans des conditions
plus apaisées. Et avec le kilométrage que nous avons gagné, nous pouvons nous
permettre de retarder le départ d'une journée. C'est en tout cas l'équilibre
entre l'envie d'avancer et l'assurance de le faire dans de bonnes conditions
qui me semble le plus sage.
Lilice!
RépondreSupprimerCourage à vous deux, vous êtes des champions ! Ça a l air assez éprouvant et j'espère que vous retrouverez le rythme joyeux que vous aviez ces derniers jours !
#vousetesblackalainetblackaliceoupas
Laura
Magnifiques photos.
RépondreSupprimerPaysage écrasé de soleil.
Que calor! Tambien à Ivry.
Vous allez refaire de belles rencontres quand vous rejoindrez le chemin.
Je marche dans ma tête avec vous.
Bises
Martine de Valmy