Notre Dame de Paris - Saint Jacques de Compostelle : 1925km en fauteuil roulant

jeudi 22 juin 2017

Mercredi 21 Juin 2017 - Jour 66, étape 37


Quand la Musique est bonne


Départ : Albergue de Peregrinos, Villadangos

Arrivée : Albergue Camino Frances, Santibàñez de Valdeiglesias

Distance parcourue : 16,6 km

Podomètre : 22 944 pas

Cumul : 651,9 km / 779 614 pas

Météo : Highway to Hell

Rushes :  140 Go. Fatch.
 


Padam, padam, padam, vous venez marcher avec nous m'dame Piaf ? Où bien ne sont-ce que les bruits de mes pas qui résonnent sur l'asphalte ? La journée sera musicale, fête de la Saint Jean oblige, et francophone, pour le plus grand soulagement d'Alain "qui en a un peu marre de rien comprendre quand même". ça fait toujours du bien de retrouver la mélodie d'une langue qu'on aime.

Alain me dit ce matin sentir la fatigue s'accumuler. Les muscles ne récupèrent plus aussi bien qu'au début du trajet, les yeux non plus. Il fait chaud, chaud, cacao, les nuits sont lourdes, l'effort réel. Je me charge donc de la charrette sur le début du trajet, afin qu'il puisse déjà gérer le fauteuil sur le terrain caillouteux et éviter les chutes. Le roulis de la charrette crisse, et crisse, et plante. La roue de devant ne supporte pas l'irrégularité du chemin et se plie, l'armature frotte. Il ne reste plus qu'à peser, bras tendus, en poussant sur la poignée pour la faire avancer sur les roues arrières. Rien de tel pour récupérer des courbatures d'hier que de re-chauffer le muscle de bon matin. Ou pas, mais on a pas tellement le choix. On finit par craquer, et remonter l'attelage sur la Nationale qui longe le chemin et nous nargue de régularité. Et puis c'est presque fait pour, la large bande d'arrêt d'urgence étant utilisée comme piste cyclable par de nombreux pèlerins... notamment des compatriotes qui ont déjà fait l'aller et sont à présent sur le chemin retour ! "C'est des malades !" commente le Sarasin depuis sa chariote.

On entend siffler l'oiseau, coasser les grenouilles, et le chant des sirènes... Ou du moins l'écoulement de ces ruisseaux chantants, au milieu des cultures que les agriculteurs locaux entretiennent sous un soleil à faire rougir tous les marquis de Sade... oui, bon, je ne promets pas la pertinence de toutes les références, je fais comme ça vient.

Elle court, elle court, la caméra au poing... et n'a pas commencé à parler d'elle à la troisième personne que les côtes me rappellent vite de ne pas trop faire la maline sur ce chemin arpenté. J'y laisse cuisses, triceps, tête, épaules, genoux et pieds, genoux et pieds. Pas encore besoin de soins intensifs cependant, mais c'est à Hospital de Òrbigo qu'une halte s'impose. Nous y rencontrons Philippe, qui est parisien aussi. Il marche avec Isabelle, originaire d'Orléans et qui a entendu parler de nous lors de notre passage dans sa ville, et Marie-Renée, partie du Puy-en-Velay mais Canadienne. De la région d'Acadie, pour être précise. Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes, chantait Michel Fugain, et pour ma part c'est à un autre registre musical que je pense. S'appeler Marie-Renée et avoir l'accent de Céline Dion, il y a là-dedans quelque chose de trop beau pour être vrai. J'en suis tellement contente.

On parle de luttes contre la maladie, de la beauté du chemin, on partage une boisson et un petit en-cas. Quand l'appétit va, prends une tortilla, quand l'appétit va, tout va. Il en faut bien des forces, avant de passer le joli Puente Viejo. Nos trois compères entourent Alain. Ils en auraient presque un petit air de Beatles. J'ai raté la photo emblématique mais l'émotion était au rendez-vous. Bon chemin, amis, amies, enfants de la Patrie.

Nous poursuivons pour notre part jusqu'à la ville suivante, dans laquelle il semble possible de prendre le bus (merci le guide), ce qui nous permettrait d'avancer un peu plus vite en évitant quelques côtes. C'est à tout juste 3km, tranquille. Mais arrivés à Villares de Òrbigo, les locaux m'informent que ce bus n'existe pas. Pas merci le guide. Ou peut-être qu'il n'existe plus, je ne sais pas, je ne peux pas, et on reste plantés là... Non, j'admets que malgré mes récents progrès en espagnol, je ne cerne pas encore ce degré de subtilité, mais le résultat est sensiblement le même : No Bus. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre Santibàñez de Valdeiglesias, à tout juste 2km. C'est pas grand chose, 2km, mais il ne va pas falloir que toutes les étapes jouent à ce petit jeu avec notre moral... Avec une telle chaleur et des terrains si capricieux, 16 km à pieds, ça use, ça use, 16 km à pieds, ça n'use pas qu'les souliers.

Nous ne trouvons donc pas le bus à Villares, mais recroisons en revanche nos Chamans Kazakhs préférés et rencontrons surtout Séverine, qui  poursuit sa route avec nous.  Elle aussi a dû lutter contre plusieurs maladies handicapantes, et ce chemin est aussi un combat. "Comme moi, tu es un espoir, un déclencheur peut-être pour d'autres qui sont dans ton cas et cherchent la force." l'encourage Alain. "Ben oui mais comment je leur transmets un tel message ?" "Toi, tu as juste à faire ce que tu as à faire. Pour le reste, c'est hyper facile : Tu trouves une Alice, et elle se charge de tout. Ton message, toi tu le portes en toi, et elle va prendre son blog et son crayon et faire porter ce message." C'est sur que vu comme ça, c'est pas si compliqué. ça dépend cependant un peu pour qui, si je peux me permettre de nuancer. Mais dans l'absolu oui, il n'existe pas de meilleur modèle que celui qui fait. C'est d'ailleurs un peu pour ça qu'on est là. Plutôt du côté de ceux qui font, font, font, trois petits tours et puis s'en vont. Mais avant de s'en vont, d'autres terrains terreux nous attendent, et puis il m'a dit de le pousser là-haut sur la colline. À l'arrivée aucun bouquet d'églantines, zaïzaïzaïzaï... Heureusement Séverine se joint à moi pour l'ultime effort. Nous terminons trempées, endolories, et Alain aussi, mais sommes tous trois bien heureux d'avoir relevé ce défi ensemble.

C'est toujours ensemble que nous arrivons à l'Albergue Camino Francès, qui n'est pas exactement adaptée au fauteuil non plus mais reste cependant bien sympathique. Il fait calme, il fait chaud, on y sieste, on y sieste, il fait calme, il fait beau, on y dort tous en rond. Une majorité de français encore, un italien tendinité, des espagnoles qui insiste pour que je goûte cette Sangria lorsque je commande de l'eau. Quand l'appétit va, prends une tortilla, quand l'appétit va, tout va. Tiens, j'ai déjà entendu ça quelque part... Non ce n'est que ma deuxième... de la journée, certes. Mais au moins ça tient au corps, c'est la seule excuse que je me trouve. Et puis il y a eu la montée entre temps, on en a déjà parlé. Et la nuit s'annonce pour ma part encore longe avec ce WiFi qui ... Dooooong.... Ah tiens, le clocher attenant à l'auberge marque donc toutes les demies heures...

 

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Le clocher attenant à l'auberge marquera donc chaque heure du nombre de coups exacts. Tant pis pour le sommeil, on avait bien dit que la journée serait musicale jusqu'au bout... Pour une fois que ça ne ronflait pas trop dans le dortoir... Mais le vent nous portera, et la fatigue nous vaincra. Encore une étape pentue à venir demain, avant qu'Alain ne se repose une semaine en attendant mon retour. Ce n'est pas vraiment l'idéal de couper le trajet maintenant, mais je vous assure que je n'ai pas le choix. Non Thérèse, ne jurez pas. Et pour me donner bonne conscience, je pense vraiment que le repos ne peut pas nuire à notre héros. Parce qu'on l'a parcouru, ce chemin, on la tiendra, la distance. Mais ça n'aura pas été toujours facile, et il faut savoir se préserver quand nécessaire. Les étapes caillouteuses sont réellement très éprouvantes. Padam, padam, padam, on n'aura pas foulé que du macadam.
 
























































































































 
 
 
 
























































 




























 

8 commentaires:

  1. Je vous lis tous les jours.
    Admirative.
    Quel courage!
    Merci partager ces émotions, ces merveilleux paysages, ces belles rencontres.
    Prenez soin de vous.

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  2. Je vous lis tous les jours, je suis moi aussi admirative de votre force, de votre endurance malgré des routes difficiles et surtout une chaleur excessive, je tenais à vous dire combien je vous admire. Merci infiniment pour tous ces beaux moments que nous partageons grâce à vous. j'encourage toutes les personnes qui vous suivent à vous adresser un petit mot de réconfort. D'avance merci. Je vous embrasse et vous souhaite très bonne chance et très bonne route.

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  3. mais vous allez trop vite!!!!!!!!!!! on a reçu votre carte ! merci la gourgale et le vieux chancre!! bon vous gralez sous el sol de espana!! boooaaaaahhhhh!!! un vieux chapià et bon d'même! bon on va vous rejoindre à st jacques du coup, vous szerez vers où le week end prochain par exemple??
    la bise les copains, courage!
    bin surment

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  4. Quelle surprise à la boite aux lettres ce matin !!!!
    merci merci et encore merci pour votre gentille carte postale.
    Je pense souvent à vous et regarde votre blog avec beaucoup d'admiration.
    Le trajet n'est pas toujours simple... mais chaque jour passé est une victoire de plus.
    En tout cas vous êtes trop beaux et Alain bronze de plus en plus ! J'espère qu'il pense à la crème solaire.... parole d'infirmière....
    Force et courage pour la suite !
    Des gros bisous
    Fabienne de Chaumont sur Loire

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    1. Oh merci Fabienne, nous aussi on pense très fort à toi !! Oui on essaye de penser à la crème, même si quand on part le matin avant le soleil on se laisse parfois surprendre... On a hâte de te voir, plein de gros bisous !

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  5. ça fait loin pour vous rejoindre...

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  6. Merci pour vos encouragements !!!

    Oui Guillaume ça fait un peu loin, mais on a tellement hâte de vous voir !! Alain est en pause entre Hospital de Orbigo & Astorga jusqu'au 3 juillet, le temps que je fasse mon spectacle sur Paris, et ensuite on enchaine vers Saint Jacques... Et après obligé on se voit très très vite !!

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