La pluie, ça mouille
Départ : Tours (rue Edouard Vaillant)
Arrivée : Sorigny (chez Annick, la maison du
bonheur)
Distance parcourue : 22,4 km
Podomètre : 26 359 pas
Cumul : 222 885 pas / 191,9
km
Météo : Soleil
le matin, puis beaucoup, beaucoup, beaucoup de pluie et vent de face (sinon
c'est pas marrant).
Rushes : 89,8 Go
Sortir de Tours n'est pas la
meilleure partie du trajet. Alain est un peu bougon, les trottoirs sont trop
étroits et les accès compliqués. Mettre des barrières pour éviter le passage de
voitures c'est bien, oublier de laisser assez d'espace pour les fauteuils, ça
l'est un peu moins. Heureusement, la pluie annoncée n'est pas encore au
rendez-vous et nous traversons la jolie ville de Saint Avertin, toute de côtes
constituée, sous les rayons du Soleil.
Aux premières gouttes, nous nous abritons
auprès des caddies d'un supermarché fermé. Pas chichis de par ici. Nous avions
fait quelques courses hier pour pouvoir préparer nos sandwichs du dimanche. Et
puis pluie ou pas pluie, il faut bien finir par repartir, et d'autres belles
côtes nous attendent. Il n'y a pas de trop pour les gravir de la force nos
quatre bras, et de mes deux jambes... puis de nos six bras et quatre jambes,
car voilà Jean-Paul qui nous rejoint ! "On pensait à vous avec Patricia ce
midi, et puis on a eu la même idée... On les rejoint ? On les rejoint !" Alors
ils nous ont rejoints.
Encore un joli cadeau du parcours.
Comme le dit Patricia "on ne sait jamais ce que l'on va trouver sur le
chemin. Même nous ce matin encore, on ne savait pas qu'on viendrait !".
Cette surprise là a un goût de café chaud et de biscuits bio. Jean-Paul pousse
la charrette pour le restant du trajet, et j'essaye de faire quelques images
malgré la pluie. Heureusement qu'il y a les GoPro sinon c'était impossible, on
aurait perdu la caméra sous un tel déluge. Et vous auriez du venir pour voir
ça. On vous épargne pour cette fois.
On se permet une petite halte
dans une Eglise, une "maison du Seigneur" comme disent les croyants,
pour qu'il arrête de nous pleuvoir dessus quelques instants. "Et dire que
l'on fait tout ce chemin pour le trouver en soi, le 'Seigneur'...". Eh
oui, chacun le sien. Tous le même amour au coeur. Les mêmes pelures à défaire.
La même lumière à laisser traverser. "Nous prenons le chemin mais nous
sommes la voie." répète Alain. "Il est beau ce chemin. C'est pour
l'instant le meilleur médicament que j'ai pu rencontrer."
Une pause, deux pauses, on pose
devant le panneau indiquant le kilométrage restant jusque Saint Jacques : plus
que 1447 bornes ! Tranquille ! A ce rythme là, et même si je prends quelques
pas de retard à chaque cliché, on va arriver le mois dernier. Nos amis nous
confirment que notre rythme est élevé pour des marcheurs. Un pèlerin est souvent
autour de 4-5 km/h, et nous sommes plutôt entre 5 et 7, même lorsque je porte
mon sac et les caméras. Il est plus facile pour cela de rester proche d'Alain
ou de pousser en même temps pour ne pas être trop vite dépassée. Avec tout ça,
si on est pas super-musclés d'ici juillet... Ah bon, c'est pas pour ça qu'on le
fait ?
Côté orientation, bien que nous
ayons parfois recours au GPS, il est plus agréable de se repérer sur les cartes
et au fil des affichages. Le balisage de la région est réellement à saluer.
Merci à Jean-Luc, président de l'Association, et aux membres bénévoles des Amis
des Chemins de Compostelle en Touraine, ainsi qu'aux Conseils régional &
départemental pour cet immense et délicat travail qui facilite énormément notre
route.
On ne sent pas tellement les
kilomètres défiler, mais sous la pluie quelques fondamentaux s'imposent tout de
même à notre esprit. La pluie ça mouille. La chaleur humaine, ça porte
infiniment. Et comme le dit Alain, ça roule mieux quand le pneu est gonflé.
Tiens, oui. Déjà deux fois que la roue gauche de la charrette crève ces
derniers jours, et on la sent encore fragile. Le boulon a sauté et elle menace
de prendre son indépendance à chaque accélération. Heureusement Jean-Paul aura
la gentillesse de faire l'aller-retour dans la soirée pour nous apporter la
pièce et réparer l'attelage ! Est-ce que l'on ne dira jamais assez MERCI à tous
nos anges du chemin ?
L'avantage de la pluie, c'est que
ça hydrate la Nature. Les inconvénients, c'est à peu près tout le reste. Le
vent n'arrange pas notre affaire, il nous restera pleine face durant les 14
derniers kilomètres (c'est un peu long, 14 bornes de pluie, n'hésitez pas à venir
tester pour être surs) et glace depuis nos vêtements jusqu'à nos os déjà
imbibés. Nous sommes trempés mais tellement heureux. Tels la Barbara de
Prévert, ruisselants, ravis, épanouis. Frigorifiés aussi. Mais si j'avais assez
de force dans les pieds, j'aurais envie de danser. Pour l'heure, on va déjà penser
à avancer, et puis simplement sourire un peu derrière ces lunettes qui ne
servent plus tellement à mieux voir. Ni à voir tout court d'ailleurs. Après
tout, quelle importance. L'essentiel est invisible pour les yeux, je crois. On
ne voit bien qu'avec le coeur. Et c'est Antoine qui le dit. Celui du Prince
tout p'tit.
Patricia et Jean-Paul nous
accompagnent jusque chez Annick, qui nous accueille dans sa maison qui déborde
comme elle de vie et de lumière. La pétillante Nanou est partie de Tours ce
matin aussi, bien plus tôt que nous et passera la nuit dans la chambre en face
de la notre. C'est une merveilleuse rencontre qui nous bouleverse profondément.
Nous parlons d'amour et d'évidences, de chemins et de beauté, de familles, de
partage, d'amour encore. D'amour toujours. De si belles vagues d'émotions. De
si puissants regards, de si mélodieux récits. Tant de nuances jolies, de
teintes de la vie. Des vagues d'amour. D'un amour si fort, si transcendant que
rien ne l'efface, pas même la mort. Son mari fait ce trajet auprès d'elle, dans
son coeur, ses yeux, sa voix, et cette puissance d'amour est aussi
indescriptible que belle. Lumineuse. Bouleversante. Comme elle.
Il y a ceux et celles que l'on
aime, nombreu(ses)x, différent(e)s, constructrices et constructeurs. Toutes
celles et ceux qui font partie de notre route, pour un temps plus ou moins
long, et dont la valeur reste intacte à l'heure de cheminer ailleurs. Qui font
grandir, devenir, fleurir. Jolis moments que rien n'emportera. Que personne
n'effacera. Et puis il y a ceux, celles, infini(e)s, bouleversant(e)s,
évident(e)s. Ceux avec qui même l'apprentissage de la différence est une
énergie complice. Qui nous construisent ailleurs, résonnent à l'intérieur,
transforment en curiosité la peur. Cet amour dont elle parle si bien, et qui
coule longtemps de nos joues à nos mains.
Le feu de cheminée d'Annick sauve
nos vêtements et bagages. Sa soupe régénère l'âme et le corps. Nous restons
tard auprès des flammes, parce que décidément, le feu ça réchauffe autant que
la pluie ça mouille. Et l'Amour ça éclabousse.
Dans l'espoir de vous en avoir
transmis un petit bout, on garde le votre au chaud de nos bûches du coeur.
On
vous embrasse bien fort, belles Annick & Nanou.