Epilogue.
Beaucoup de gens croisés ici
m'ont demandé la hauteur de mon salaire. Le lien de parenté que j'ai avec Alain.
La peine de prison que j'ai à payer à la société. Je n'en ai pas. Je fais ça
par don, par conviction, par amour. En investissant mes ressources affectives,
amicales, financières, physiques, en renonçant à du travail payé, à du temps
passé avec mes proches, à quoi bon en faire une liste. Je ne le regrette pas.
Je l'ai fait avec tout mon cœur, à chaque instant. Par amour, par idéal. Parce
que cette volonté m'a touchée, parce que ces valeurs ont résonné. Et ces
valeurs, elles ne font plus partie de ce voyage.
Car Alain n'est pas, ou n'est
plus, l'homme que je pensais aider. Comme depuis le début du trajet, je lui ai
posé calmement la question de savoir si quelque chose dans mon comportement ou
mon langage a pu le blesser. "Tu te rendras compte toute seule" sera
sa seule explication. Il m'affirme droit dans les yeux qu'il ne s'excusera pas.
Et me blesse de nouveaux mots. Et de menaces physiques.
Aujourd'hui je crois que je ne
peux pas expliquer mieux. Je ne plus expliquer plus. Je ne demande que la
politesse de s'adresser à moi sans me faire pleurer ou vomir. Je ne demande
qu'à voir la conviction nécessaire au projet dans l'âme de celui qui a voulu
l'initier. Ce respect a été remplacé par la mise en danger de mon intégrité
morale, émotionnelle et physique. Je suis restée en voulant croire à la pulsion
incontrôlée, excusable. Je suis restée depuis Janvier auprès de cet homme qui
porte dans son discours une volonté de changement de mode d'expression, et qui
me crache si souvent son ingratitude à la figure. Je me suis dit encore que
s'il s'excusait, s'il comprenait, je voudrais continuer. Je voudrais nous faire
terminer. J'ai même presque encore l'espoir qu'Alain répare, qu'Alain s'excuse,
qu'Alain comprenne. Mais j'ai cherché tous les angles. Alain ne souhaite pas
réparer. Alain ne souhaite pas continuer.
Croix de bois, croix de fer. Le
manque d'amour est notre seul enfer. Ce projet ne se terminera pas par magie.
Il s'est construit par amour, il ne peut continuer de vivre sans. J'aime les
jolis mots, et la réalité des actions qui les illustrent. J'ai donné mon
maximum, et encore un peu au-delà. Je voudrais terminer. Mais je ne sais pas
mentir. Et ce qu'est Alain aujourd'hui, je n'ai plus envie de le montrer, et de
faire croire au modèle.
Je saigne de tout mon cœur de
m'être trompée. Je suis déçue et désolée de ne pas vous offrir les images de notre
arrivée. De renoncer pour toujours à pouvoir dire ce "On l'a fait !".
Mais je l'ai fait. Pour vous, pour Omaël, pour les belles valeurs de ce projet,
j'ai dépassé tous les obstacles plusieurs fois. Pour vous, pour Omaël, pour les
belles valeurs de ce projet, je suis désolée de ne pas avoir pris la décision
de tout arrêter plus tôt. Je vous présente toutes mes excuses d'y avoir cru
assez fort pour vous y faire croire avec moi. Pour avoir tant mobilisé vos
soutiens, vos énergies, vos dons, vos jolis mots. J'ai appris beaucoup de
choses, et ce que nous avons déjà accompli a déjà de la valeur. J'espère de
toute mon âme que ces idées, ces bonheurs, ces beautés que nous avons croisées
vous ont déjà apporté aussi.
Omaël, je suis si désolée.
Lorsque tu es né, j'étais très amoureuse de ton tonton Gabriel. Et nous étions
si fiers de nous imaginer parrain et parraine. J'étais si fière avec ce projet
d'avoir tout de même l'occasion de te transmettre l'amour absolu que les
parents ont pour leur enfant, l'amour absolu que j'ai en moi et qui ne trouve
pas encore son endroit. J'ai tant cru en tes parents.
Puisses-tu comprendre, Alain.
Puisses-tu guérir tes blessures. Puisses-tu laisser mourir ces violences en toi
et renaître de l'amour que tu souhaites donner à Omaël. Puisses tu passer
bientôt de ton fauteuil, à ton Phénix.